Les entreprises genevoises bouclent une année 2024 en léger repli, selon la 25e Enquête conjoncturelle de la CCIG.
La satisfaction générale reste bonne, bien qu’en légère baisse. Concrètement, cela se traduit par une relative stabilité de l’emploi, mais une pression accrue sur le chiffre d’affaires et la rentabilité, tous deux en recul. Cette situation concerne tout particulièrement l’industrie manufacturière, qui traverse une période tendue, mais également les secteurs du commerce de détail, de la restauration et de la logistique, pour lesquels l’année a été contrastée.
«Déjà sous forte pression, notre industrie exportatrice voit s’ajouter de nouvelles incertitudes liées aux barrières tarifaires américaines. Or, pour certaines entreprises genevoises, le marché des États-Unis représente jusqu’à la moitié du chiffre d’affaires à l’export. Il est essentiel d’agir rapidement pour préserver l’accès à ce débouché stratégique», rappelle Vincent Subilia, Directeur général de la CCIG.
Le thème de cette édition – le marché du travail – met en lumière d’importants défis et des mutations profondes. Une entreprise sur deux peine à recruter. Les éléments organisationnels (flexibilité, télétravail, temps partiel) talonnent désormais le salaire dans les attentes exprimées par les candidats. Autre résultat marquant: parmi les entreprises proposant des stages, une sur trois déclare avoir réduit ou supprimé son offre en raison du salaire minimum. On observe également une diminution du recours au télétravail au cours des deux dernières années, en partie imputable à l’accord Suisse-France sur le télétravail des frontaliers.
«Le salaire minimum n’est pas sans effet: 32% des entreprises qui en proposent ont réduit ou supprimé leur offre de stages, alors même que le manque d’expérience est le principal obstacle à l’entrée des jeunes sur le marché du travail.» relève Vincent Subilia, Directeur général de la CCIG.
Une année solide, mais contrastée
L’année 2024 aura été jugée bonne ou très bonne par près de 40% des entreprises interrogées. Les grandes structures (plus de 50 collaborateurs) sont particulièrement satisfaites. Parmi les acteurs de l’économie, ce sont les secteurs de la banque, de l’assurance et des services aux entreprises qui jugent l’année écoulée le plus favorablement. En revanche, les entreprises actives dans la construction, la logistique ou encore certains segments industriels rapportent des résultats plus contrastés. La note moyenne de satisfaction s’établit à 3,2 sur 5, en légère baisse par rapport à l’enquête de 2024 (-0,1). Les entreprises ayant jugé l’année écoulée comme très difficile ont doublé, passant de 2% à 4%, retrouvant le niveau de 2023.
L’emploi se maintient à un niveau élevé, malgré les tensions sur le marché du travail
En 2024, 29% des entreprises ont augmenté leurs effectifs, tandis que seules 12% ont procédé à des réductions, confirmant une dynamique de croissance modérée mais bien ancrée. Ces chiffres sont globalement conformes aux prévisions formulées l’an dernier.
Cette tendance à la stabilité ou à la progression est portée par les grandes entreprises et par certains secteurs dynamiques comme les assurances, la finance ou encore les services informatiques. Le bâtiment demeure le secteur le plus prudent, avec un équilibre plus fragile entre embauches et suppressions de postes.
Chiffre d’affaires et rentabilité: vigilance
55% des entreprises ont enregistré une augmentation de leur chiffre d’affaires en 2024, contre 65% l’année précédente. Cette réalité se traduit par une pression sur la rentabilité. Le nombre d’entreprises ayant enregistré une progression de leur rentabilité est en recul de 6 points, pour s’établir à 37%, soit le plus bas niveau depuis l’année 2020 marquée par la pandémie. Parallèlement, une part grandissante (36%; +4 points) des répondants indique une stagnation de leur rentabilité, voire une réduction (27%; +2 points), traduisant un contexte économique exigeant pour certains secteurs.
Prudence pour 2025
Pour rappel, l’enquête s’est terminée début mars, soit avant l’introduction d’importants droits de douane par les États-Unis à l’endroit de la plupart de leurs partenaires commerciaux.
Les prévisions pour 2025 restent favorables: 30% des entreprises prévoient d’augmenter leurs effectifs, une proportion stable comparée à l’an dernier. La diminution des effectifs est peu fréquente (8%). Ces perspectives témoignent d’une volonté de croissance maîtrisée, dans un contexte de rareté des talents.
L’emploi progresse dans presque tous les secteurs, avec des intentions de recrutement plus fortes dans la santé, l’informatique, la finance et les assurances.
Optimisme également concernant le volume d’affaires et la rentabilité, en progression dans tous les secteurs. Encore une fois, en raison du contexte géopolitique incertain, les prévisions 2025 doivent être considérées avec une grande prudence.
Exportations genevoises: l’incontournable UE et l’importance grandissante des États-Unis
L’UE reste le principal marché d’exportation (35%), en légère baisse grâce à une diversification croissante, notamment vers l’Asie et les Émirats arabes unis. Toutefois, pour 39% des entreprises sondées, l’UE représente jusqu’à la moitié de leurs exportations. Pour 12% d’entre elles, la proportion monte à plus de la moitié.
Les Amériques (principalement les États-Unis) renforcent leur position de deuxième marché avec 18% de toutes les exportations genevoises. Pour certaines entreprises, ce marché est même devenu indispensable, car il représente jusqu’à la moitié de leur chiffre d’affaires à l’étranger pour 31% des sondées, voire plus de la moitié de leurs ventes à l’étranger dans 10% des cas.
Thème 2025: le marché du travail
Recruter devient un casse-tête pour une entreprise sur deux
Près de la moitié (49%) des entreprises interrogées rencontrent aujourd’hui des difficultés à recruter. Cette difficulté est régulière (24%) ou chronique (25%). Cette tension est particulièrement marquée dans les métiers techniques (maintenance, ingénierie, production) et les fonctions spécialisées (finance, informatique), que les entreprises considèrent comme les postes les plus difficiles à repourvoir (51%), suivis des cadres (29%). Les profils commerciaux sont également régulièrement évoqués par les répondants.
Les principaux freins évoqués sont: (1) le manque de candidatures qualifiées (59%), (2) les prétentions salariales élevées (38%) et (3) les contraintes budgétaires (30%)
Pour pallier la pénurie de main-d’œuvre locale, les entreprises recrutent principalement dans la région francophone élargie (France et Suisse romande). Pour 74% des entreprises, des profils qualifiés indisponibles à Genève peuvent être trouvés en France voisine. La Suisse romande, où les difficultés de recrutement sont similaires, reste toutefois une solution dans 31% des cas.
Les attentes des candidats évoluent
Les candidats expriment de plus en plus de demandes liées à la qualité de vie au travail. Flexibilité des horaires (26%), possibilités de télétravail (17%) ou encore temps partiel (18%) sont autant de critères importants dans leurs décisions. Pris ensemble, ces éléments d’organisation du travail (61%) talonnent la question salariale (65%).
Ressources humaines: former, intégrer et s’adapter aux nouvelles contraintes
Face aux tensions sur le marché du travail, les entreprises multiplient les efforts pour attirer, fidéliser et former leurs collaborateurs. La majorité d’entre elles s’investissent activement dans la formation continue: 84% proposent des formations en interne ou en externe, ainsi que dans la formation professionnelle, 37% formant des apprentis.
La participation à des programmes d’insertion est relativement répandue: un quart des entreprises y ont eu recours, majoritairement via l’Office cantonal de l’emploi (73%). Ces mesures via l’OCE, l’AI ou l’Hospice général sont accueillies favorablement: 42% des entreprises estiment ces démarches positives, contre seulement 4% qui les trouvent trop contraignantes.
Salaire minimum: baisse du nombre de stages et pression sur les PME
L’introduction du salaire minimum a entraîné des conséquences importantes sur l’offre de stages dans le canton. Parmi les entreprises en proposant, 32% indiquent avoir réduit ou supprimé leur offre. Or, les stages contribuent à l’intégration des jeunes dans le marché du travail. Interrogées sur ce point, 35% des entreprises estiment que les compétences des jeunes diplômés ne correspondent pas à leurs besoins. Pour ces entreprises, le principal motif évoqué est le manque d’expérience (61%).
Des dérogations ciblées au salaire minimum pourraient aider les entreprises dans leur recrutement, selon 16% des répondantes.
Télétravail: stabilisation à 20% ou moins et conséquence de l’accord Suisse-France
Le télétravail s’est inscrit dans la vie des entreprises post-Covid, mais a marqué un repli. Pour 50% des répondants, il est pratiqué un jour par semaine ou moins (occasionnellement). 12% des entreprises proposent deux jours par semaine et seules 6% proposent davantage. Près d’un tiers des entreprises n’en proposent pas.
Au cours des deux dernières années, 20% ont adopté une politique plus restrictive en matière de télétravail. Parmi celles-ci, un peu moins de la moitié (44%) pointent l’accord bilatéral Suisse-France comme facteur de ce durcissement. Ce cadre juridique, qui limite les jours de télétravail sans impact fiscal, crée une incertitude et des contraintes spécifiques pour les employeurs de travailleurs frontaliers.
source : https://www.allnews.ch/content/news/entreprises-genevoises-r%C3%A9silience-et-adaptation-dans-un-march%C3%A9-du-travail-en-mutation
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