Télétravail, chômage, fiscalité : pourquoi la France et le Luxembourg n’arrivent pas à s’entendre concernant les frontaliers

Les récents propos de l’ambassadeur de France au Luxembourg confirment l’échec des négociations entre les deux pays sur de nombreux sujets frontaliers. Aucun accord n’a été trouvé à l’issue de la conférence intergouvernementale sur le télétravail ou l’indemnisation du chômage des 120 000 Lorrains qui traversent la frontière quotidiennement pour travailler au Grand-Duché.

L’absence de Benjamin Haddad à la conférence de presse du 11 décembre 2025 a été remarquée. Le ministre délégué chargé de l’Europe avait voulu ainsi marquer son désaccord politique avec les autorités luxembourgeoises. La conférence intergouvernementale entre les deux pays n’a abouti à aucun accord, et l’ambassadeur de France au Grand-Duché l’a confirmé dans une interview à nos confrères de Paperjam. “Notre objectif est d’aboutir à une relation plus équilibrée et plus mutuellement bénéfique entre les deux pays. Il est donc vrai que, sur ces points importants, il n’y a pas d’accord à ce stade” a déclaré Christophe Bouchard au média en ligne.

Les points importants sur lesquels l’ambassadeur affirme que les discussions avancent, sont deux serpents de mer des relations franco luxembourgeoises. Le Grand-Duché veut élargir la possibilité de télétravailler à 45 jours par an pour les frontaliers, quand la France en a proposé… 90 ! Avec la volonté d’obtenir une compensation fiscale de la part des autorités luxembourgeoises. Argument massue de Christophe Bouchard : si des frontaliers lorrains travaillent depuis la France pour le Grand-Duché, ils ne peuvent pas continuer à payer leur impôt exclusivement au Luxembourg.

Télétravail des frontaliers au Luxembourg

Le Luxembourg refuse toute rétrocession fiscale. Réclamée par une partie des élus des territoires frontaliers, elle n’a jamais été portée par le gouvernement français. Le Grand-Duché entend cofinancer des projets structurants en Lorraine, comme la création de crèche ou le développement de lignes de transports, mais il se refuse à faire un chèque. Le pays emploie aujourd’hui plus de 120 000 frontaliers français qui représentent 45% de sa population active. Il bénéficie pour faire tourner son économie d’une main-d’œuvre formée dans l’hexagone, sans avoir à débourser un centime pour ça.

Rétrocession fiscale au point mort

Si la France hausse le ton depuis quelques mois, c’est parce que le phénomène frontalier continue à s’amplifier. D’après ses dernières projections statistiques, le Luxembourg va devoir recruter plus de 300 000 personnes d’ici 2040 pour assurer le remplacement des salariés qui partent en retraite, mais aussi pour maintenir sa politique de croissance à marche forcée.

Une bonne partie de ces postes à pourvoir seront occupés par des frontaliers. S’ils perdent leur travail au Grand-Duché, ils seront indemnisés en France : le Luxembourg ne rembourse que les premiers trois mois. Christophe Bouchard affirme que le gouvernement tricolore en voudrait cinq. Là non plus, aucun accord en vue.

La France refuse de tordre le bras du gouvernement luxembourgeois, qui ne fait aucun effort sur les dossiers qui fâchent… Les frontaliers paient tous les jours ces désaccords” estime Philippe Manenti du Comité de défense et d’initiative des frontaliers du Luxembourg (CDIFL). Le militant associatif pointe du doigt l’absence de coopération sur les sujets sensibles des transports, saturés depuis des années entre les deux pays, de la formation, et également d’autres, plus techniques, comme la reconnaissance des handicaps ou l’absence de suivi des carrières.

Plus récemment, une cinquantaine d’élus de gauche, de Meurthe-et-Moselle ont déploré l’échec de la dernière conférence intergouvernementale. Dans un communiqué de presse, ils dénoncent un “joyeux immobilisme” et affirment que “sans compensation financière, il n’y aura ni politique transfrontalière crédible, ni aménagement cohérent. Tout le reste n’est qu’affichage“. La date de la prochaine conférence intergouvernementale n’est pas encore connue.

source : https://france3-regions.franceinfo.fr/grand-est/moselle/metz/teletravail-chomage-fiscalite-pourquoi-la-france-et-le-luxembourg-n-arrivent-pas-a-s-entendre-concernant-les-frontaliers-3271382.html
auteur : Emmanuel Bouard
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