OPINION. Deux ans après la rupture unilatérale des négociations, le Comité CH-UE presse le Conseil fédéral d’aller de l’avant avec l’UE et de lancer une nouvelle séquence de tractations en bonne et due forme avec Bruxelles, avec un calendrier.
Il y a deux ans jour pour jour, le 26 mai 2021,le Conseil fédéral a mis abruptement fin aux négociations sur l’accord institutionnel avec l’UE. Il a constaté le 29 mars dernier qu’il existait maintenant «une dynamique positive» dans le dossier européen. Cette appréciation fait suite à deux évènements: la visite à Berne de M. Maros Sefkovic, vice-président de la Commission européenne et interlocuteur de la Suisse, le 15 mars 2023, et la déclaration de la Conférence des cantons du 24 mars 2023. Ceux-ci demandent l’ouverture de négociations formelles, rassurés par les solutions qui se profilent sur les questions des aides d’Etat et du contrôle de l’accès à la sécurité sociale des citoyens européens admis en Suisse. Les cantons se déclarent favorables à une reprise dynamique du droit de l’Union européenne et à un mécanisme de règlement des différends dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne aurait toute sa place – il y a lieu de souligner que la Cour ne se prononcerait que sur demande du tribunal arbitral qui serait constitué, et qu’elle ne serait appelée à s’exprimer que sur l’interprétation du droit de l’Union européenne. De son côté, l’UE renonce à chapeauter les accords sectoriels d’un cadre institutionnel global en faveur d’un système dit «vertical». Plusieurs accords séparés seraient conclus selon les matières traitées, tous munis d’une clause identique sur le règlement des différends.
Les pourparlers exploratoires se poursuivront le 30 mai prochain. Le Conseil fédéral prendra connaissance fin juin de leurs résultats. Il devrait aussi disposer à cette date d’un texte contenant les grands axes d’un éventuel mandat de négociation. Il lui reviendra alors de décider ou non d’entamer des négociations en bonne et due forme avec l’UE et de faire rédiger un mandat complet. Le départ annoncé le 10 mai dernier de Mme Livia Leu, secrétaire d’Etat et négociatrice en chef avec l’Union européenne ne remet pas en cause ce calendrier.
Le Comité CH-UE, composé d’avocats, de professeurs d’université, de journalistes, de diplomates et d’anciens politiciens travaillant dans le domaine des affaires européennes, plaide pour la rédaction d’un mandat clair et ambitieux afin de définir la position suisse et de lancer la négociation avec Bruxelles dans les meilleurs délais.
Idéalement, il devrait être possible de consulter les milieux intéressés avant la fin de l’année, nonobstant les élections fédérales du 22 octobre 2023. Les négociations avec l’UE pourraient commencer dans ce cas dès le mois de janvier 2024: c’est un objectif certes exigeant, mais qui découle de la nouvelle dynamique décrite par le Conseil fédéral lui-même.
Au cœur d’une Europe qui connaît à nouveau la guerre, la Suisse ne peut pas se permettre de jouer la carte de l’isolement. Elle a besoin plus que jamais de conclure sans retard de nouveaux accords avec l’Union européenne, son principal partenaire économique. L’érosion d’une partie des accords bilatéraux existants s’avère coûteuse pour une partie de nos industries. La non-participation aux programmes d’Horizon Europe a des conséquences dommageables à long terme pour la recherche, l’innovation et le développement, et donc pour l’emploi. Les cantons universitaires y sont particulièrement sensibles. En tant qu’«Etat tiers», la Suisse est exclue de la coopération scientifique dans des domaines clés tels que l’intelligence artificielle, le spatial ou la physique quantique. La révision de la réglementation européenne sur les machines-outils et les produits pharmaceutiques fait peser un risque sur toute notre économie.
Des obstacles de taille freinent cependant les progrès enregistrés. La reprise des discussions entre les partenaires sociaux, que notre comité salue, n’a pas encore débouché sur de nouvelles mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes compatibles avec le droit de l’Union européenne.
L’UE, de son côté, insiste pour la pérennisation de la contribution suisse au Fonds de cohésion. Elle entend maintenir un lien entre les différents accords pour le cas où l’un d’eux ne serait pas appliqué: il s’agit d’éviter tout déséquilibre dans le fonctionnement de l’ensemble des accords sectoriels.
De nouveaux accords sont prévus, notamment sur l’électricité, faute de quoi la Suisse serait de facto exclue du marché européen dans deux ans. Ce serait impensable.
La négociation qui se met en place pourra se dérouler à un rythme rapide. Elle promet d’être intense. Les données en sont largement connues. A ce stade le doute subsiste – sur la flexibilité nécessaire des deux côtés, sur la volonté claire du Conseil fédéral de s’engager, et sur le soutien que lui apporterait la majorité de la population. Il incombe dès lors au Conseil fédéral de faire preuve de résolution et de reconstituer cette majorité. Le Comité CH-UE l’encourage à aller de l’avant avec confiance et détermination.
source : www.letemps.ch/opinions/un-mandat-negociation-clair-ambitieux-lue