La hausse des chômeurs frontaliers écorne l’image du Grand Genève

Croissance de la population, boom des postes mais chômage en hausse: le territoire franco-valdo-genevois illustre les paradoxes d’un marché du travail très intégré.

En bref:

  • Le territoire franco-valdo-genevois compte 1,51 million d’emplois, concentrés à 60% en Suisse.
  • Dans la partie française de la région, plus d’un actif sur deux travaille en Suisse.
  • Le chômage repart à la hausse, surtout chez les frontaliers.

En vingt-cinq ans, le Grand Genève s’est mué en véritable machine à créer des emplois de part et d’autre de la frontière. Mais cette dynamique s’accompagne désormais d’un chômage qui repart légèrement à la hausse, notamment côté français, où les chômeurs transfrontaliers sont de plus en plus nombreux. C’est le constat que tire l’édition 2025 du «Portrait du territoire transfrontalier» réalisé par l’ Observatoire statistique transfrontalier.

Début 2024, le Territoire franco-valdo-genevois (TFVG), qui rassemble les cantons de Genève et de Vaud, ainsi que les départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie, compte près de 2,92 millions d’habitants. Cela représente une hausse d’environ 35% depuis 1999, année où la Suisse a signé les accords bilatéraux I avec l’UE, dont l’un était l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Cette hausse de la population a été portée surtout par l’arrivée de nouveaux habitants plutôt que par les naissances.

Six postes sur dix en Suisse

Sur le TFVG, l’activité professionnelle reste très dynamique. Fin 2023, on y compte 1,51 million d’emplois. Six postes sur dix sont situés en Suisse (28% dans le canton de Genève, 33% dans le canton de Vaud) et quatre sur dix en France, dans l’Ain et la Haute-Savoie. Entre 2021 et 2023, l’emploi augmente plus en Suisse (Genève +5,5% et Vaud +3,9%) que du côté français (+2,7% en Haute-Savoie et +1,7% dans l’Ain).

Les services dominent très largement le marché du travail. En 2023, le secteur tertiaire (commerces, santé, éducation, finance, administrations, etc.) regroupe 80% des emplois du TFVG. Le «secondaire» (industrie et construction) pèse 18% et l’agriculture 2%.

Dans les cantons de Genève et de Vaud, les services représentent respectivement 87% (373’500) et 82% (403’600) des postes, portés par les villes de Genève et Lausanne et leurs activités à forte valeur ajoutée. Côté français, l’industrie et la construction sont plus présentes, surtout dans l’Ain (27%), où un emploi sur cinq reste industriel (plasturgie, automobile, nucléaire).

Un actif sur deux dans le Genevois français est frontalier

Sans surprise, le marché du travail est fortement transfrontalier. Dans la zone du Genevois français (qui comprend Annemasse, Saint-Julien-en-Genevois, la vallée de l’Arve et le Pays de Gex), 53% des actifs travaillent en Suisse, soit 105’300 personnes en 2022.

Seule ombre au tableau: le taux de chômage, qui remonte. Fin 2024, il est de 5,6% dans l’Ain et 5,5% en Haute-Savoie, des niveaux toujours bas par rapport à la moyenne régionale (6,4% en Auvergne-Rhône-Alpes) et nationale (7,2%) mais en légère hausse depuis 2022.

Autour de Genève, les zones d’emploi françaises (Genevois français, Vallée de l’Arve, Annecy, Chablais) voient, elles aussi, leur taux augmenter, interrompant la baisse continue depuis 2015.

Côté suisse, les taux de chômage mesurés selon les critères du Bureau international du travail (BIT) atteignent 6,8% dans le canton de Vaud et 10,5% dans le canton de Genève, contre 4,3% pour la Suisse dans son ensemble. Genève se distingue notamment par une proportion plus élevée de personnes sans emploi qui ne sont pas inscrites auprès des offices de placement.

Hausse des chômeurs frontaliers

Enfin, le nombre de chômeurs transfrontaliers vivant en France, indemnisés par France Travail et dont le dernier emploi était en Suisse, augmente nettement (+6,1%): 10’520 en Haute-Savoie et 3100 dans l’Ain au quatrième trimestre 2024, en hausse plus rapide que le reste des chômeurs indemnisés (+2,4%).

Or, ce chômage croissant des frontaliers a un impact direct sur les finances publiques françaises. En cas de perte d’emploi d’un résident français travaillant en Suisse, c’est en effet la France, via l’assurance chômage, qui verse les allocations, calculées sur la base du salaire suisse, nettement plus élevé que les salaires français. L’indemnisation des frontaliers génère un déficit d’environ 800 millions d’euros par an pour l’assurance chômage de l’Hexagone.

Face à cette situation, le gouvernement a durci les règles d’indemnisation et a décidé d’encadrer plus strictement l’«offre raisonnable d’emploi».

Un niveau de vie plus élevé du côté suisse

En 2020, on vit globalement mieux dans la partie suisse du Grand Genève que dans la partie française. Le niveau de vie médian atteint environ 29’900 euros (soit environ 28’000 francs suisse, selon le taux de change moyen en 2020) dans le Pôle métropolitain du Genevois français, 45’800 euros (42’800 francs) dans le canton de Genève et 60’900 euros (57’000 francs) dans le district de Nyon, relève l’Observatoire statistique transfrontalier.

Côté français, le niveau de vie reste toutefois plus élevé que dans le reste de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que dans l’Ain et la Haute-Savoie. Les zones les plus favorisées sont la communauté de communes du Genevois et la communauté d’agglomération du Pays de Gex, où de nombreux ménages perçoivent un revenu depuis la Suisse. Ces ménages transfrontaliers ont un niveau de vie plus de deux fois supérieur à celui des autres habitants, proche de celui observé dans le canton de Genève.

source : https://www.tdg.ch/chomage-hausse-inquietante-chez-les-travailleurs-frontaliers-492163850066
auteur : Aymeric Dejardin-Verkinder
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